Résumé : |
Le social-libéralisme, qui vise à réduire les contraintes qui pèsent en matière sociale sur les employeurs tout en tissant un filet minimal de protection pour ceux que le marché rejette, est-il en train de triompher? Les auteurs de ce livre collectif s'y refusent, parce que cette voie, affirment d'emblée Thomas Coutrot et Christophe Ramaux, est favorable aux puissants et dure aux pauvres, transformés en "rentiers de la misère", selon l'expression de Jean-Marie Harribey. Il y a, heureusement, d'autres voies imaginables, génératrices de plus de cohésion sociale. Notamment celle explorée par Alain Supiot, visant à généraliser à toutes les formes de travail -indépendant aussi bien que salarié- un droit social conséquent et se substituant aux règles du marché.
Tout en reconnaissant l'intérêt de certaines propositions qui visent à faciliter la permanence de droits sociaux de chaque travailleur, Christophe Ramaux marque la crainte qu'à trop vouloir réduire les risques attachés aux changements professionnels, ceux-ci ne deviennent la norme, au détriment de l'emploi stable. Et n'est-ce pas mettre le doigt dans l'engrenage de la conception libérale du chômage, pour laquelle c'est l'inadaptation des chômeurs qui fait le chômage, en exemptant le système économique de toute responsabilité? "Proposition dangereuse", conclut-il.
Tel n'est pas le point de vue de Marie-Laure Morin, qui plaide vigoureusement en faveur d'un droit de l'activité professionnelle: ce n'est pas l'emploi qu'il faut protéger, mais la personne au travail, quelles que soient les formes d'emploi. Autre débat au sein de ce livre stimulant: face à Bernard Friot, qui plaide en faveur d'un accroissement des cotisations sociales assises sur les salaires -une façon d'imposer à l'employeur de financer la vie hors travail-, Jean-Louis Dayan avance une astucieuse idée de "bonus malus" sur les cotisations d'assurance chômage: moins une entreprise imposerait de charges à la collectivité, plus ses cotisations seraient réduites, l'inverse étant vrai pour les entreprises engendrant des coûts sociaux élevés. Une alternative au Pare?
Bien d'autres contributions valent le détour: notamment celles, remarquables de nuances, de François Eymard-Duvernay proposant de réduire la sélectivité dans les embauches par un réseau d'organisations se substituant à l'actuel marché du travail, et de Didier Gelot sur l'évaluation des emplois jeunes. Au total, un livre novateur qui ouvre la réflexion et apporte des propositions. |